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La relation thérapeutique dans une clinique de l'attachement: quelles conséquences pour le psychothérapeute?

par Marie-José Sibille

publié dans Le métier de Psychothérapeute

La naissance et la mort, le lien et ses ruptures, et toutes leurs variations sur le mode traumatique ou évolutif sont à la base de notre travail de psychothérapeute. L'engagement éthique et empathique dans la relation thérapeutique est donc le plus grand gage de réussite d'une thérapie, car nous touchons dans ce métier aux fondamentaux de l'être humain, ce qu'Irvin Yalom nomme la psychothérapie existentielle.
La clinique de l'attachement, appliquée d'abord à soi-même en tant que praticien, est un incontournable dans cet état d'esprit.
On pourrait croire qu'il est possible de soigner des traumatismes rapidement avec les outils dont nous disposons aujourd'hui. Les premiers temps d'une psychothérapie, ces premiers temps auxquels s'arrêtent souvent les thérapies brèves, sont spectaculaires quels que soient les outils ou les méthodes. C'est la phase magique, où la guérison semble avancer à pas de géant, comme dans les débuts d'une relation amoureuse. Je comprends que l'analogie puisse choquer, mais la relation thérapeutique est d'abord une relation duelle particulièrement chargée en affectivité. Peut-être un thérapeute particulièrement évitant, ou contrôlant, en termes d'attachement insécure, pourra ne pas fonder de relation forte dans ces premiers moments, mais ce sera difficile, tant le besoin et souvent le désarroi de la personne sont présents; une relation forte ne voulant pas dire abusive ou envahissante, mais pas non plus trop distante, tout un art adaptable à chaque situation.

Les outils, utilisés avec rigueur et créativité, sont utiles, voire indispensables, et toujours à enrichir et à renouveler, à approfondir et à marier.
Mais c'est le lien qui soigne. Ou c'est le lien qui renforce le traumatisme et la douleur si il ne s'interrompt pas immédiatement. C'est donc l'engagement de notre métier de remettre en permanence en question notre être en lien.

Un jour viendra sûrement où il sera clair que chacun a sa propre façon de guérir et de grandir, comme le montrent les multiplicités de formes, de styles et de dynamiques d'attachement et de résilience, d'histoires de vie et de diversités de cultures humaines; un jour où les sciences et les visions de l'homme seront moins hégémoniques et plus curieuses des différences, comme le sont d'ailleurs déjà de nombreux chercheurs et praticiens créatifs.
En attendant ce jour béni, quelle que soit la qualité d'un outil thérapeutique, si il est utilisé dans les relations de pouvoir si fréquentes dans le milieu thérapeutique et médical, relations inhérentes aux dynamiques insécures d'attachement et érigées en monuments dans certaines dynamiques institutionnelles, cet outil n'aura d'autre effet que de maintenir des relations de soumission et d'emprise, même "bienveillante". Dans ces relations, le patient sera selon les cas dans le besoin de faire plaisir au thérapeute, ou au contraire en conflit avec lui, avec peut-être la meilleure volonté du monde des deux côtés.
La personne utilisera son seul pouvoir, celui de guérir, ou au contraire de ne pas guérir, comme langage plus ou moins résilient dans cette relation thérapeutique.
L'analphabétisme émotionnel et interrelationnel qui caractérise encore aujourd'hui l'enseignement universitaire français dans des domaines où ces sujets devraient être centraux, cet analphabétisme prépare très peu le praticien aux enjeux affectifs majeurs de la relation thérapeutique.
D'où l'importance du travail sur soi du psychothérapeute, en particulier dans ses dynamiques insécures d'attachement, susceptibles de perpétuer ces fameuses dynamiques de pouvoir. Ce travail dans notre profession ne peut pas être qualifié de "personnel" tant il est au cœur de notre métier et de nos compétences. Cela ne veut bien sur pas dire qu'il ne doit pas être protégé et encadré.
Une patiente, arrivée dans mon local suite à quelques débuts de parcours interrompus, me disait son besoin que ses peurs soit entendues par le thérapeute, et ne réveillent pas chez celui-ci trop de peurs en miroir, susceptibles de déclencher un usage frénétique de techniques, surtout destinées, telles qu'elle le ressentait, à fuir la relation ... Pour les mêmes raisons certains psychanalystes utilisent le divan, et trop souvent le mépris de l'autre ... Certains de nos patients pensent semble-t-il, même si ils ne s'expriment pas toujours ...
Bien sur beaucoup de praticiens et de chercheurs ont déjà réfléchi sur le sujet. Ils ont nommé à quel point ce que l'on appelait avant - peut-être encore maintenant dans certains lieux archaïques ? - les "résistances" du patient sont en fait le reflet en miroir de nos peurs relationnelles, et des emprises ou évitements chargés de les masquer.
Pourtant ce travail sur soi qui nourrit ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui les intelligences intra- et inter- personnelles, ce travail qui nous rend capable petit à petit d'accueillir les peurs, voire les terreurs, des personnes que nous accompagnons, ce travail-là est encore régulièrement occulté au profit des savoirs techniques et scientifiques, là où les deux sont indispensables.

La théorie et la clinique de l'attachement nous apprennent que le cerveau, et plus largement l'être au monde, se construit dans la relation dès les interactions les plus précoces.
De même se guérit-il.
Logique, non ?



L'attachement, une compétence animale qui nous rend plus humain.

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