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Une voix de plus : ce n’est jamais une voix de trop !

par Marie-José SIBILLE

publié dans Cette société - c'est la notre !

Voix.jpgLa nuit dernière, une de ces nuits de plus en plus sombres de novembre qui nous amène vers la conscience de nos limites , une de ces nuits qui nous entraîne inexorablement vers la nuit le plus longue de l’année, j’ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar.

J’étais sur une grande place, et une manifestation était prévue : une trentaine de personnes étaient réunies autour de quelques barrières rouillées et panneaux déchirés. Ces personnes étaient aussi sombres que la nuit de novembre, vieillies prématurément par le travail corvée, courbées sous le poids de tant de renoncements obligés; c’était des ouvriers, des agriculteurs, c’était des hommes, des femmes et des enfants ; c’était des gens tellement habitués au mensonge qu’ils ne peuvent plus croire personne ; mais des gens restés suffisamment humains pour résister encore, même en si petit nombre, en s’appuyant sur leur rage.

Tout autour d’eux, c’était la fête : les gens préparaient Noël avec deux mois d’avance. C’était une hystérie de consommation, de publicité, de vide recouvert de paillettes qui détruisait tout sur son passage. J’étais à l’extérieur, je regardais. Les lumières de Noël ne me rendaient pas gaie, loin s’en faut. Je voulais rejoindre les manifestants mais une sorte de paralysie me retenait, un sentiment d’impuissance, d’à quoi bon : autant en finir le plus vite possible.

La psychothérapeute recherche toujours ce qui dans sa vie personnelle peut faire écho à un rêve, c’est même la priorité. Là, je n’ai rien trouvé, sinon je ne me serais pas permise de le partager avec vous. Ce rêve est juste l’écho de mes préoccupations actuelles sur le devenir de notre collectivité humaine. Les médias, même ceux auxquels je continue d’accorder quelques crédits comme France Inter, ont l’air de rejoindre sans coup férir la paralysie dominante. Ce matin, par exemple, le ministre de l’Agriculture y disait n’importe quoi, mais il le disait bien, avec l’assurance de ceux qui font partie de l’élite et qui savent que leur fin de mois n’est pas remise en question ; avec l’ignorance de ceux qui, totalement mobilisés par leur quotidien surchargé, ne prennent pas le temps de penser à d’autres alternatives possibles, de rêver le monde qu’ils laisseront à leurs enfants. Barak Obama ? C’est fini, sa baguette magique n’a pas réussie à changer le monde en deux ans. Vive les dirigeants chinois et leurs contrats commerciaux, on ne va pas en plus les embêter avec les droits de l’homme. « Toujours plus de la même chose ! », proposent nos politiques, gauche et droite confondues, histoire d’aller encore plus vite se fracasser contre les limites de notre planète. La solution pour l’Agriculture ? Plus de rentabilité bien sûr, à quel prix ? Surtout pas le local et le bio, trop simplistes, trop archaïques pour plaire à nos grands hommes.

Mais l’archaïque, comme nous le savons en tant que thérapeutes psycho-organiques, ce n’est pas uniquement le passé, celui du nourrisson, mais c’est surtout la force vitale. Si on l’oublie, on finit par mourir, plus ou moins vite, que ce soit dans la violence ou dans la paralysie.

Les nuits de novembre ne veulent pas nous entraîner vers la nuit obscure de la destruction du monde, mais vers la nuit féconde de l’intériorité, de l’intimité.

La lumière du solstice d’hiver qui éclaire Noël, ne signifie en rien la lumière électrique des guirlandes et la frénésie provoquée par les boutiques étincelantes.

La lumière de Noël ? C’est une bougie qui s’allume dans la nuit la plus longue de l’année ; c’est la chaleur, au mieux, d’un feu de cheminée autour duquel on se réunit ; c’est l’élan du cœur vers les plus démunis, pas dans le sens d’une charité toujours mal ordonnée, mais dans la certitude de la solidarité et de la simplicité : nous sommes TOUS des êtres démunis face à la nuit, face à la mort. Nous sommes tous démunis face aux défis actuels de notre monde.

La lumière de Noël, c’est une petite voix qui prend sa place : la voix d’un enfant. L’origine du mot enfant signifie : « celui qui n’a pas accès à la parole ».

Dans mon métier, l’accès à la parole de ceux qui n’en ont pas est un objectif prioritaire.

La voix dont je parle n’est pas seulement celle du vote : ce n’est pas une voix qui se donne au plus offrant. C’est une voix qui se prend, puis qui se partage, pour trouver ensemble de nouveaux chemins. Ils existent.

Ce sont des mots qui prennent corps dans une parole collective non pas clinquante, mais lumineuse et forte ; c’est le corps trop longtemps méprisé, celui des enfants, celui des femmes, celui des travailleurs et celui de la Terre, qui se met en mots, qui prend parole.

Dans le cœur des hommes, chaque voix compte : une voix de plus ? Ce n’est jamais une voix de trop !

 

 

 

 

 

 

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