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le quotidien - c'est pas banal ...

SAVOIR, CELA N’EST RIEN, SAVOIR, LA BELLE AFFAIRE …

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Mais Apprendre !

 

Apprendre c’est ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde, comme un nouveau regard, c’est rajouter une nuance dans le kaléidoscope des émotions, c’est découvrir une nouvelle manière d’être en vie.

Savoir est sédentaire, pesant, aussi lourd à déplacer qu’une énorme bibliothèque pleine de livres dont la moitié n’est pas lue.

Savoir impressionne, fronce les sourcils, décide qui a tort ou raison, qui est dans le vrai, qui est condamné au faux.

Apprentissage est nomade, léger comme la plume d’oie qui court sur la page blanche ; il parcourt le monde sur ses deux grandes jambes et sort ses ailes pour traverser les océans ou passer par-dessus les montagnes.

Savoir attend au fond de son château poussiéreux que le fils prodigue revienne, de nouveaux livres plein le sac à dos. Savoir compte ses livres comme l’avare compte ses sous, avec le plaisir anxieux de celui qui, dans le trop, a encore peur de manquer.

Apprentissage dévore les livres à pleines dents, en prend le meilleur et les oublie sur un banc public, là où un autre viendra les lire. Apprentissage trouve que les meilleurs livres sont écrits sur la poussière des chemins de traverse, dans les rides des vieillards et les rires des enfants.

Savoir s’est arrêté de penser.

A quoi bon penser quand on sait ?

Savoir s’est arrêté de bouger.

Bouger voudrait dire rencontrer l’inconnu, et prendre le risque de ne plus savoir, de devoir apprendre.

Apprentissage, lui, a peur de se poser et de dire, voilà, maintenant ce que je peux apporter ; il a du mal à poser sa pierre, de peur qu’elle ne lui coupe les ailes.

Qui va réconcilier ce père anxieux et ce fils prodigue ?

La muse, bien sûr.

Celle qui fait pousser des ailes aux pieds de plomb, et donne la force d’aller vers l’inconnu ; mais celle aussi qui a besoin d’avoir les pieds sur terre, et de voir naître l’œuvre qu’elle a inspirée.

 

En ce mois de septembre où retentissent à nouveau les cris des enfants, mais aussi ceux des adultes, dans les cours de récréation, en ce mois où les grandes personnes se posent mille questions pour savoir comment faire des élèves de « bons » élèves, demandons-nous surtout comment ne pas leur couper les ailes, et comment les aider à poser leur pierre.

Apprendre est un besoin pour l’enfant, une nécessité de survie.

Apprendre est un plaisir, apprendre est un désir, quand le gavage est remplacé par le jeu et la dégustation.

Comment avons-nous fait nous, adultes, pour rendre l’apprentissage aussi pesant que le savoir ?

 

C’est quand, au fait, la dernière fois que vous avez ouvert une nouvelle fenêtre sur le monde ?

 

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Je suis comme un camping au mois d’août

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Kali 01 

C'est la rentrée, et je me sens comme un camping au mois d'août: j'affiche "COMPLET".

Les choses à FAIRE impérativement s’accumulent, sous peine de :

-         finir en prison ou de payer cher pour une tonne de papiers administratifs non rendus à temps.

-         passer pour une mère indigne qui n’a pas pris le temps de remplir la fiche de l’école, toujours la même depuis le début mais il faut quand même la refaire chaque année, fiche indispensable en cas de drame prévisible en milieu scolaire ; scolaire donc hostile.

-         vivre des crises de culpabilité nocturnes intenses pour cause de devoir écologique et civique non encore concrétisé du style : quand est-ce que tu vas enfin concrétiser ce combat pour une cantine bio ? pour le vélo au village ? pour les bus scolaires au GPL ?

-         voir les panières à linge déborder, les poubelles s’accumuler, le frigidaire se vider toujours trop vite.

-         me demander pour la énième fois quand est-ce que l’un ou l’autre de nous va enfin se charger de faire réparer : la (les) fuite(s) d’eau, la (les) carreau(x) cassé(s), le téléphone qui ne marche plus depuis trois mois, la boîte aux lettres qui ne ferme plus, la voiture qui a perdu son pare-chocs … 

-         ne plus prendre le temps d’être belle, d’être femme, d’être gaie, de chanter, de danser.

-         avoir en permanence en tête l’image de Kali, la déesse aux cent bras, et trouver que ce n’est pas encore assez.

 

Vit-elle toute seule cette pauvre femme vous dites-vous sûrement à la lecture de ces lignes ?

Bien sûr que non : j’ai un mari au top, qui a compris, il ne s’est même d’ailleurs jamais posé la question, qu’on pouvait être un homme en partageant 50% des tâches ménagères, éducatives, administratives et autres de la maison.

Alors ?

Et bien il se trouve que dans notre société, pour un couple, avoir deux emplois, une maison en cours de construction, trois enfants, quelques animaux (assez gros les animaux), et un millier de passions, sans parler des amis et de la famille tant aimés, c’est prendre le risque d’être happés dans la consommation frénétique sensée faire gagner du temps, le risque du toujours plus d’actions pour essayer de remplir un gouffre, celui des « CHOSES A FAIRE IMPERATIVEMENT » qui ne sera jamais comblé ; c’est prendre le risque de ne plus avoir le temps de sentir et respirer sa vie, de ne plus pouvoir développer une conscience politique, alors que le « vivre ensemble » souffre autant dans notre société ; c’est prendre le risque, noyés dans les mille et uns devoirs, étouffés dans les mille et une loyautés, de ne plus être, de ne plus créer, de ne plus vivre pour l’essentiel.

 

Mais je suis « psy » me direz-vous. Et plus exactement, j’y tiens, psychothérapeute[1].

Les psychothérapeutes n’ont-ils pas acquis, dans leur souvent difficile parcours, cette maturité intérieure qui permet de préserver l’essentiel, cette sagesse qui permet de méditer au cœur de l’orage, de rester zen alors que les pulsions, les émotions, les injonctions, les pressions se déchaînent tout autour ?

Certes.

Je pense avoir acquis surtout l’humour qui permet de s’arrêter à temps.

Alors, je peux :

-         penser que j’ai la chance, et aussi le mérite, d’avoir une profession bâtie sur mesure que je peux adapter mois après mois aux divers autres terrains de jeux de ma vie.

-         remercier le ciel tous les jours de devoir gérer l’abondance plutôt que subir la pénurie.

-         regarder un oiseau qui passe avec une châtaigne dans le bec et éclater de rire avec mes enfants, car je vis dans un lieu où il y a encore des oiseaux et des châtaignes, plutôt que des rats et des canettes de bière explosées.

 

Je peux m’asseoir au milieu de la foule qui avance, poussée vers la mort aux cris belliqueux de : « Travaillez plus ! Consommez plus ! Mourrez plus vite qu’on ait moins de retraites à payer ! ».

Nous sommes de plus en plus nombreux d’ailleurs, à nous asseoir dans cette foule.

A partir d’un certain seuil, la marée s’inversera, j’y crois.

Et ce sera, c’est déjà, une grande marée d’équinoxe.

 

 

 



[1] J’ai expliqué pourquoi dans une autre série d’articles : « Psychothérapeute ni plus ni moins 1 et 2 », et j’y reviendrai dans une troisième partie.

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