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Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter. Erreur numéro un : la famille adoptante, une "second-hand family"?

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter

ERREUR NUMERO 1

Considérer la parentalité adoptive comme une sous-parentalité,

une " second-hand family ". 

Dévaloriser les parents d'adoption par rapport aux "vrais parents".

 

Entendu par des parents adoptants, quelques extraits de témoignages :

"Mais vous n'êtes pas sa vraie mère, sa mère c'est celle qui l'a mise au monde et qui l'aime", de la part d'un pédopsychiatre, devant l'enfant de cinq ans.

"C'est bien de pouvoir adopter quand on ne peut pas avoir de vrais enfants", de la part d'une assistante sociale, avant l'adoption.

"De toute façons l'adoption c'est toujours des problèmes parce que vous n'êtes pas les vrais parents", de la part d'un psychothérapeute, juste aux parents ... 

Je pense que vous avez compris l'idée.

Adopter c'est sortir du réel, du "vrai", pour entrer dans le monde du "faux", faux parents d'un enfant qui devient faux alors ? 

Ou " vrai enfant " qui, comme dans le dessin animé "Coraline", vit dans une " fausse famille " très généreuse qui, contrairement à la situation de l'adoption internationale, ressemble beaucoup à sa famille d'origine. Un film que je ne recommande pas aux familles adoptantes avec de jeunes enfants ! Voici l'histoire : "Coraline Jones est une fillette douée d'une curiosité sans limites ... Ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans un appartement identique au sien... mais où tout est différent ... Coraline est bien tentée d'élire domicile dans ce Monde merveilleux, qui répond à toutes ses attentes. Mais le rêve va très vite tourner au cauchemar. Prisonnière de l'Autre Mère, Coraline va devoir déployer des trésors de bravoure, d'imagination et de ténacité pour rentrer chez elle et sauver sa Vraie famille ...".

Les thérapeutes, les psys, les soignants, les accompagnateurs des familles qui adoptent, ont à faire un effort particulier d'empathie s'ils n'ont pas réfléchi à la question. Car dans une parentalité parfois complexe et toujours originale, le risque d'accentuer la souffrance ou de blesser l'estime de soi des parents, voire des enfants, est grand. Dans ce cas, il est tout à fait possible de dire non au fait de recevoir un patient ou une personne, ou de s'excuser si on a commis un impair.  Ce sont des démarches difficiles pour nombre de professionnels, comme pour nombre de parents ... Et nous avons aujourd'hui, ensemble, à effectuer une vraie révolution des pratiques, tant thérapeutiques qu'éducatives. Ces jugements de valeur vont parfois de pair avec des opinions : - "l'adoption c'est toujours des problèmes": non, l'adoption c'est beaucoup de bonheur, comme dans toutes les familles désirées, et parfois des problématiques à résoudre, plus rarement des grandes souffrances à traverser, pour lesquelles il existe des soutiens si ce n'est des solutions. - "C'est à cause de la pauvreté de ces pays que l'adoption existe": non, pas seulement, et pas toujours. Il existe de nombreuses raisons qui poussent une famille ou une mère à l'abandon, la pauvreté n'est qu'un de ces facteurs. 

Cela explique que les familles adoptantes finissent par faire confiance à des réseaux en cas de difficultés, difficultés que l'on trouve souvent à l'identique dans les familles les plus "banales" qui soient. Réseaux de familles adoptantes et associations intégrant les dynamiques d'attachement, ces organismes proposent des groupes de parole et des formations à la parentalité, ou encore des coordonnées de psys et thérapeutes ayant été "vérifiés et validés" comme ne portant pas de JUGEMENT particulier sur la parentalité adoptive, jugement parfois aggravé quand il s'agit d'une mère célibataire ou d'un couple homosexuel, les préjugés et les a-priori s'empilant alors les uns sur les autres ...

Mon but n'est pas de "tirer sur l'ambulance" mais plutôt de dire que parfois l'ambulance fait du stock-car ... , et de donner quelques critères aux familles pour se protéger dans ce cas, dans notre pays qui accorde beaucoup de pouvoir à l'expert, et à la personne "supposée savoir".

Malgré leur violence potentielle dans le lien thérapeutique, l'intérêt de ces remarques est d'attirer notre attention et de nous permettre d'interroger de nombreux thèmes. Par exemple : Qu'est-ce qu'un "vrai" parent ? Quelle est la part de la grossesse, de l'attachement, de l'éducation dans la parentalité ? La parentalité n'est-elle que biologique ? L'amour est-il soluble dans le sang ? Le "vrai" entraîne obligatoire l'idée du "faux" par le phénomène cognitif de la pensée comparative. Qu'est-ce qu'un "faux", et à quoi cela renvoie-t-il pour le parent qui adopte ? Est-ce qu'un faux parent crée un faux enfant, et donc une fausse personne ? Cela nous amène naturellement à la notion de légitimité, que je développerai dans l'article de demain.

A demain donc pour la deuxième erreur à éviter, très fréquente, y compris dans les livres "d'experts": Confondre ou mélanger les familles adoptantes et les familles d'accueil.

 

 

 

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S
Je développe ces questions dans le livre. Ce dont nous sommes certains, c'est qu'une approche complexe et intégrative est indispensable. Les neurosciences et l'épigénétique sont passionnantes, et certes l'amour reçu, de même que le stress d'ailleurs, peuvent se voir dans la réalité objective de notre cerveau. Mais ces connaissances sans cesse en évolution peuvent entraîner des postures thérapeutiques trop déterministes, mais aussi être récupérées par certains courants socio-politiques. L'inné et l'acquis, l'essentiel et le circonstanciel, se marient pour faire naître et grandir ce que nous appelons notre identité.
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S
et dans la continuité de ces question, l'amour n'est-il pas encodable dans nos cellules quand on connaît aujourd'hui le phénomène de l'épigénétique (l'impact de l'environnement sur le code génétique) ?
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