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LA PANNE

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien c'est pas banal ! , On peut choisir sa famille

LA PANNE

 

Coupure d’électricité à Lasseube, Pyrénées Atlantiques,

panne due à Myriam la tempête du 2 mars 2020 

 

Vous êtes en bout de ligne nous ont toujours dit les professionnels de l’électricité.

Être en bout de ligne, ça me plaît. J’imagine tout de suite la Patagonie, le bout du bout des terres habitées, je me vois aussi gardienne de phare faisant signe aux bateaux égarés dans une île battue par les flots. J’accepte le prix à payer pour cela, faire toujours partie des derniers à être à nouveau éclairés en cas de tempête, tempêtes dont la fréquence s’accélère, vous l’aurez remarqué. 

A 6h du matin le 2 mars, tout le monde ou presque est debout, le vent souffle vraiment très fort, la chatte tourne en miaulant le poil dressé au milieu du salon, si les animaux sont inquiets, je m’autorise à l’être. La tempête a même réussi à sortir une de mes filles ado de son lit à cette heure inimaginable en temps normal, la plus grande est absente. Seul le fils reste endormi, faut quand même pas exagérer. Il faudrait un cyclone, on n’en est pas là. Myriam battra quand même de nombreux records de vent : 127 km/h à Pau, donc sûrement un peu plus dans mon coin de nature.

La conséquence immédiate c’est qu’il n’y a plus d’électricité. Les bougies et les lampes torches sont prêtes, les poêles sont fournis en bois, nous pouvons tenir, avoir chaud, cuisiner, lire … mais pas recharger smartphones et ordinateurs, pas aller sur Internet. Cela a duré deux jours. Autant dire rien du tout. Difficile pour les ados et post-ados présents qui ont l’impression d’être coupés du monde et sont peu sensibles au romantisme des dîners aux chandelles dans ce contexte. Ils réagissent plus ou moins bien, finissent par s’accommoder, mon fils ouvre même un livre. Ils réfléchissent à des plans de rechange pour aller se rebrancher quelque part.

Mais moi je suis comblée. 

La coupure d’électricité est une pause obligée, une panne sur le bord de l’autoroute de la vie actuelle. Je ne peux pas répondre aux obligations administratives et professionnelles toutes plus urgentes les unes que les autres. Je pourrais bien sûr prendre la voiture et m’installer dans un café ou même à la mairie du village. Mais je profite de l’occasion. 

Tout le monde comprendra. 

Et puis le vent continue de souffler, les ardoises et les parasols tombent, les poules s’ébouriffent et la chatte se hérisse, les moutons courent dans tous les sens et les ânes m’appellent, je suis obligée de rester sur place pour veiller au grain. 

On ne sait jamais.

Je me sens à l’intérieur de la panne comme assise dans l’œil du cyclone, la tempête fait rage mais moi, près du feu, protégée d’elle mais surtout du bruit du monde, je lis et j’écris et je savoure. Entre deux bouquins, j’en lirai quatre en deux jours, je fais chauffer de l’eau dans une théière en fonte sur la cuisinière à bois, je cuis quelques surgelés à utiliser d’urgence, je jouis de chaque bûche de bois sec plongée dans le feu. Parfois quelques craintes, un arbre va peut-être tomber sur la maison ou le chemin, mais cela passe vite.

Lovée près du poêle avec un bouquin exceptionnel, L’enfant et l’oiseau de Durian Sukegawa, je me souviens de ces jours d’enfance où, malade, je restais dans mon lit avec une pile de livres et de bandes dessinées, leur odeur de papier neuf me revient sur demande. 

Le monde réel disparaissait dans un bruit de fond de plus en plus assourdi, lointain, pour laisser la place aux mondes imaginaires où j’entrais corps et âme, en oubliant sans peine qu’un jour il me faudrait revenir du bout de la ligne.  

 

Une de nos poules dans la tempête !Une de nos poules dans la tempête !

Une de nos poules dans la tempête !

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J'ai TROP envie de tricoter

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien c'est pas banal !

J’ai TROP envie de tricoter …

Billet d'humeur sur le tricot, les araignées, la méditation et les veaux à l'abattoir ...

 

La semaine dernière je passe devant une mercerie++, une de celles qui ont saisi l’esprit du temps : loin de se contenter des boutons, bobines, aiguilles à coudre et autres fermetures éclairs, elle étale toutes les variantes possibles du DIY (Do-it-yourself) à base de tissus, laines, cotons, lin, pelotes toutes plus craquantes les unes que les autres, canevas, crochet, peinture à paillettes ou sur bois, perles de toutes formes et couleurs et pour être complétement +++ tendance, toutes les façons de faire vos sacs de vrac et décorer vos bocaux zéro déchet .

Je tombe en arrêt devant la vitrine où un ADORABLE bébé mouton crocheté me regarde de ses yeux de verre en me disant viens m’acheter, viens m’acheter, cette fois-ci j’ai résisté … Un papa et sa petite fille entrent dans la boutique en se tenant la main, oui, j’ai bien dit un papa, ça aussi c’est dans l’air du temps …

Il me re-prend alors une irrésistible envie de tricoter. Pourquoi re- ?

Car déjà hier j'ai croisé une femme qui profitait du soleil généreux de ce mois de février pour tricoter sur un banc public. Banc public ? me répondrez-vous tout de suite, mais ils ont disparu avec Sudan, le dernier rhinocéros blanc du nord ? Ou avec la pie-grièche à poitrine rose de l’Hérault ? 

Je vous rassure tout de suite, je parle des nouveaux bancs publics, les bancs publics engagés politiquement, les bancs publics dont la présence suffit à déclarer que le maire est de gauche ou que, quelle que soit son étiquette, il accueille les migrants, les SDF, les  pigeons et les vieux qui vont avec, les ados fumeurs de shit ou accros au portable qui s’agrippent en bande sur le dossier comme des hirondelles sur un fil électrique, et parfois, quand il reste un peu de place, une femme qui tricote ou un couple d’amoureux collés l’un à l’autre comme s’ils étaient devenus allergiques à l’air.

La femme a un léger sourire aux lèvres, genre celui que vous avez après la troisième taffe de chicha, ou encore au cinquième jour de votre jeûne, ou quelques minutes après l’amour, pas juste après, toute essoufflée et dégoulinante que vous êtes, mais un petit temps après.

Vous le voyez ce sourire de la madone ? C’est celui que vous aurez si vous vous mettez au tricot.

Tricoter est satisfaisant, nouveau mot qui circule chez certains jeunes pour parler d’un truc qu’ils kiffent.

Est-ce que vous savez que tricoter a le même effet que méditer ? Les femmes ont toujours été douées pour trouver des moyens de rentabiliser leur énorme charge de travail en transformant les actes répétitifs du quotidien en voie de développement personnel, voire en plaisir. Comme la cuisine par exemple. 

Et pour certain.e.s – ce n’est pas mon cas – le ménage. 

Ou plutôt disons que le ménage, quand je me décide à le faire, doit être parfait pour arriver à me ressourcer. Et quand je dis parfait, c’est vraiment parfait, un trouble obsessionnel compulsif (T.O.C.) dont j’ai décidé de venir à bout … en ne faisant pas le ménage, ou alors comme un trip à ne faire qu'une fois par an pour éviter les effets secondaires désastreux. 

Et puisque nous parlons ménage, quelque chose que je trouve malgré tout satisfaisant dans cette activité, c’est d’ôter les vieilles toiles d’araignée des recoins avec un plumeau ou une tête de loup, quel langage poétique quand même à disposition des femmes depuis la nuit des temps ! 

Et puisque nous parlons tricot, restons un peu avec les araignées ce sera ma minute L214 du jour. Pour celles et ceux qui auraient habité le Pôle Nord pendant les quelques derniers mois, seul endroit d’ailleurs où l’on ne trouve pas d’araignées, L214 c’est cette super association qui infiltre les abattoirs pour vous plomber la journée avec des images de veaux hachés vivants passés à la guillotine juste après en tous cas ce qu’il en reste. L214 c’est un des scandales ministériels des 15 derniers jours avec les mensonges et la volonté de manipulation assumée à travers la recherche d'edl, comprenez "éléments de langage", pour faire passer l’horreur pour un conte de fées, une grande habitude des gens de pouvoir. C’est juste hallucinant de lire les courriels du ministère de l’agriculture, j’espère que ce matin aux infos on annoncera le départ du chef. Mais est-ce que ça changera quelque chose ? Oui, petit à petit, je veux y croire.

BREF !

Les araignées sont des tisseuses et tricoteuses hors pair. Et si vous enlevez leurs vieilles toiles dans les coins de votre maison n’ayez aucune crainte ami.e.s des bêtes, c’est vraiment une vieille toile que vous enlevez. Une abandonnée bonne à refiler à Emmaüs. Car les araignées sont très soucieuses de leur ménage, elles, et dès que leur toile présente des signes de vieillissement elles l’abandonnent pour en tricoter une nouvelle. 

Et les nouvelles, si vous tombez dessus, laissez-les ! 

!!! Attention arachnophobes sautez le paragraphe qui suit !!!

Car elles sont indispensables ces chères petites bêtes à huit pattes velues ! Savez-vous qu’une centaine d’araignées environ vivent sur un mètre carré de nos prairies ? Elles éliminent une tonne d’insectes par an et par hectare. Sans elles, l’humanité meurt dévorée ou au choix empoisonnée par les insecticides chimiques. Et dans les maisons, de campagne en particulier, elles éliminent les cafards et autres bestioles qui ne restent sympathiques qu’en nombre raisonné. 

L’araignée dans la maison garantit la guérison,

dit un dicton paysan, à moins que ce ne soit un vieux proverbe chinois (pas grave, dans tous les cas je viens de l’inventer).

Revenons à nos aiguilles.

Évidemment, je revois ma grand-mère. Elle m’a appris à tricoter petite pendant que ma mère travaillait, c’est peut-être pour cela que le tricot saute souvent une génération dans les familles, les grand-mères enseignant cet art aux petites filles et de plus en plus aux petits garçons, les grand-mères en général, moins souvent les grands-pères il faut bien le reconnaître, mais tous les témoignages anti-stéréotypes de genre sont bienvenus.

Assise dans son grand fauteuil avec le fameux sourire aux lèvres elle tricotait des mètres d’écharpes et des cargaisons de pulls dans la lignée de la maman de Ron, le copain d’Harry Potter. A part que - me semble-t-il - ses œuvres étaient plus réussies. Pendant longtemps je n’ai pas eu honte de les porter, il a vraiment fallu attendre l’adolescence pour cela. Je me rappelle même avoir continué le tricot dans certaines heures sombres de cette adolescence justement, l’image me revient en écrivant, comme si je tricotais un radeau de la méduse pour m’empêcher de couler.

Ensuite il a fallu que j’attende les enfants petits pour m’y remettre en sautant sur le prétexte. Et dans la foulée j’ai tricoté un pull pour moi dont je ne me lasse pas et deux pour mon compagnon, je trouve en toute objectivité que ce sont les deux pulls qui lui vont le mieux !

Tricoter c’est faire bouger les mains, et en voir sortir comme par magie une œuvre plus ou moins réussie. Les aiguilles s’agitent et se pressent, la laine ou le coton se déroule, joie de terminer une pelote et d’en commencer une nouvelle, et la nécessité absolue de se concentrer même pour les plus douées fait que le mental décroche de son petit vélo et qu’on arrive à la fameuse sécrétion d’endorphines tant attendue, celle du sourire absent du moine bouddhiste sous son arbre. La répétition du geste et l’obligation de maintenir son corps dans une position souple et tenue à la fois, le dos droit, la respiration dans le bassin, les deux bras posés sur les cuisses légèrement relâchées, va dans le même sens de relaxation absolue.

Le problème c’est qu’en ce moment j’ai TROP envie d’écrire, j’en parlerai dans un futur article, donc pas le temps de tricoter, difficile de manger à la fois une tarte tatin aux coings et sa crème fouettée et une soupe birmane aux lentilles corail et lait de coco. Car ce qui est magique dans la création, c’est que l’on se nourrit de ce qui sort de nous. Merveilleux paradoxe du vivant.

Et puisque nous parlons de nourriture, revenons aux araignées, avec une espèce où la maman est littéralement une « bonne mère » puisque ses enfants la mangent juste avant de quitter le foyer, quand ils n’ont plus rien d’autre à se mettre sous les crocs … 

Ça vous évoque quelque chose ?

 

Vestiges de tricots, gardés "au cas où" ... R.I.P.

Vestiges de tricots, gardés "au cas où" ... R.I.P.

Le site de l'association L214 : https://www.l214.com/

Vous y trouverez la pétition à signer pour les veaux et la démission du ministre, ainsi que la vidéo dont je parle en deux versions : la vraie, et une adoucie par des techniques graphiques pour pouvoir supporter, en tout cas mieux supporter.

Je remercie la mercerie "Le bonnet en folie" 26, rue Carnot à Saujon, pour m'avoir aidée à concrétiser cet article qui mijotait depuis quelques temps ...

 

Et comme d'habitude : Pour d'autres articles du même genre dans mon blog, cliquez en haut de l'article en particulier sur les catégories : Le quotidien c'est pas banal, Cette société c'est la notre et Malheureusement tout est vrai. S'ils vous plaisent, n'hésitez pas à vous abonner aux nouveaux articles, à commenter, à partager, tout est gratuit ! Mais il y a aussi toutes les autres catégories à découvrir depuis 2009 ça en fait des articles ! 

Pour mes livres : En attendant une page dédiée, vous trouverez les trois actuels sur la colonne de droite.

A bientôt !

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